Ayant décidé dernièrement de faire du ménage dans ma vie, toujours de la façon la plus lumineuse possible, je me suis finalement réconciliée avec un bon ami à moi, l'écrivain belge Ivan O. Godfroid.
Ivan est peu commun, à la fois idéaliste, anarchiste, romantique et savant (c'est un docteur, après tout - il est aussi psychiatre). C'est un auteur underground. Le thème central dans l'oeuvre d'Ivan est la liberté. Il tente de la comprendre, d'en découvrir les possibilités, les limites et de la vivre intensément. Vous avez donc toutes les raisons de vous méfier de lui.
J'explique ici la nature du conflit. En 2007, Ivan travaillait sur son livre, Glam dicinn (et oui, c'est moi, en page couverture). Il affirme que je lui aurais inspiré quelques passages. Il m'avait demandé s'il pouvait utiliser, pour ce livre, un portrait extrêmement significatif pour moi à l'époque. J'y imite Callas, accompagnée d'un Doberman. Ce portrait a été croqué par ma meilleure amie, et nous avions ri énormément car la photo originale avait été prise devant une énorme piscine hors terre d'un goût douteux. J'essayais donc de contenir mon rire (et le chien - car les Dobermans sont nerveux et ne se laissent pas photographier si facilement) afin de prendre une allure mélancolique devant un fond assez drôle. Quand j'ai montré la photo à mon meilleur ami, il m'a dit : "C'est dommage pour la piscine. Je vais te l'enlever". J'ai donc fait l'exercice de retravailler cette image avec une autre personne que j'ai toujours considérée d'une gentillesse extrême. J'étais donc fortement attachée, tant à l'histoire de cette image qu'à son résultat, comme c'est souvent le cas lorsqu'on collabore avec des êtres chers. Fin de la parenthèse.
Puisque cette relation purement virtuelle (nous ne nous sommes jamais rencontrés) tenait aux échanges d'idées, Ivan m'envoyait régulièrement des pages à lire, que je commentais souvent. Son contenu me touchait par sa force, sa beauté et son élégance, c'est pourquoi je croyais sans doute naïvement que le reste du livre donnerait dans le même ton. Les circonstances ont fait en sorte qu'ayant signé les droits à l'avance pour l'utilisation de mon image, je n'ai pas pris le temps à l'époque de lire la fin via courriel. Quand j'ai reçu le livre - imprimé et déjà distribué en Europe, je me suis installée bien confortablement et j'ai commencé ma lecture.
Ayant souvent - trop - tendance à idéaliser les gens et leur attribuer des qualités nobles et dignes d'un roman de chevalerie, quelle ne fut ma déception, mon outrage, devrais-je dire, quand j'ai lu à la fin de l'ouvrage, des pages choquantes et répugnantes, que je considère encore à ce jour dégradantes envers les femmes et qui, de surcroît, traitent d'un thème que j'ai en horreur profonde : le scatologique. J'ai été scandalisée, et je me suis sentie trahie et même salie par le fait d'être associée à autant de laideur que je trouvais carrément gratuite et non nécessaire.
Mon meilleur ami, qui croit plutôt que le domaine scatologique porte à rire, m'a dit "qu'il n'y avait rien là". Rien n'y fit. J'étais choquée.
Mon meilleur ami, qui croit plutôt que le domaine scatologique porte à rire, m'a dit "qu'il n'y avait rien là". Rien n'y fit. J'étais choquée.
Je ris en pensant à ma réaction de l'époque. J'ai brutalement coupé les ponts avec Ivan en lui disant rien de moins qu'il m'était impossible d'entretenir un lien amical avec quelqu'un capable d'écrire et d'assumer autant de gratuité et de laideur. Il a tenté de rétablir le contact des années durant. Je l'ai royalement ignoré.
J'ai réagi en véritable vierge offensée.
Depuis, je suis devenue membre active de l'Académie québécoise de 'Pataphysique depuis 2012 et j'en suis fort aise. Sauf que j'ai constaté que les 'Pataphysiciens ne font aucun cas et même se ravissent dans le domaine de la scatologie. Cet état de fait m'a donné une autre perspective sur Glam dicinn. Bien que je sois véritablement incapable de comprendre que des adultes puissent avoir de l'attrait et consacrer le précieux temps qui leur est alloué sur Terre à ce sujet hideux, si je le pardonne à Alfred Jarry, je peux bien le pardonner à Ivan. En insistant sur le fait que je désapprouve toujours les passages dégoûtants et offensants de Glam dicinn. Dans l'absolu, le pardon n'a pas de limite.
Enfin, j'ai relu le livre, et je dois reconnaître qu'il y a de l'audace et beaucoup de beauté dans ce livre. Je n'ai jamais caché l'importance de la beauté dans ma vie. Et puisque mon visage est en ligne sur Amazon, associé au nom d'Ivan, mieux valait faire la paix avec ce livre. L'heure est venue d'assumer cette collaboration. De mon côté, j'ai simplement arraché les pages qui me répugnaient. Elles ne font plus partie de mon monde. J'ai choisi de ne conserver que ce qui était beau. Il est question de liberté, après tout.
Dans un élan survolté d'idéalisme qui ne me surprend guère, Ivan a décidé de vendre tous ses livres sur Amazon à "1 Euro symbolique", car il s'est soi-disant "engagé dans le combat pour l'accès à la culture".
Ou est-ce plutôt un habile camouflage maquillant une stratégie marketing ?
Mes confrères 'Pataphysiciens pourraient sans doute tirer beaucoup de bonheur à le lire, car son oeuvre est remplie d'humour ; il s'invente de nouvelles règles d'écriture qu'il détruit par la suite. Il s'intéresse également au phénomène des "fous littéraires". D'une manière ou l'autre, je serais étonnée que ce livre puisse laisser quelqu'un indifférent.
Pour ceux qui mettront la main sur la version papier, si vous touvez ce livre nul et pourri, gardez la page couverture en souvenir de moi jetez le reste à la poubelle : vous aurez ainsi une photo de Céline B. La Terreur pour 10 Euros, une véritable aubaine (car chez Joyce Yahouda elles coûtent entre 300$ et 1000$ CAD.). Avouez que je suis drôle quand je m'y met.
Extrait :
Les messages doivent être clairs – dès lors je serai clair. Voilà ce qui arrive : la passion est un jour de canicule dans l’éternel automne de l’existence. C’est à n’en pas douter le sentiment le plus intense qu’un être humain puisse connaître. Un état de fulgurance que l’on compare au feu, tant il consume autant qu’il énergise. Lançant le coeur au galop, la passion saisit les entrailles et prend d’assaut la pensée. C’est un torrent qu’aucun principe ne contient, qu’aucun serment n'entrave et [...]
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