Sunday 28 June 2015

Entretiens avec Hank O'Neal... ou quand personne ne porte attention







Avec Hank O'Neal et mon fils Benjamin au vernissage le 27 juin dernier


Afin de souligner la présence du Festival International de Jazz dans l'espace Montréalais depuis 36 ans, la Galerie Joyce Yahouda présente en ce moment une exposition incontournable pour tous les fans de jazz en présentant le travail du célèbre photographe et producteur Hank O'Neal.  Ami personnel, producteur et photographe de légendes dont Dave Brubeck, Ray Charles, Oscar Peterson, Sonny Rollins, Bobby McFerrin, James Moody,Tony Benett, Dizzy Gillespie...que vous pourrez tous voir sur les murs de l'espace 516 du Belgo en ce moment.

Il est à noter que Hank O'Neal a été considéré comme étant un photographe majeur aux États-Unis par le New York Times en 2003.

Il est également ami avec Clint Eastwood (dont j'ignorais la passion pour le jazz), et devinez quoi ? Il m'a affirmé que la seule faiblesse d'Eastwood, c'est les femmes (comme tout le monde, finalement).


Hank O’Neal, Clint Eastwood with Gary Smulyan, Lennie Niehaus, Jon Faddis & James Moody -
Eastwood After Hours rehearsal, Carnegie Hall, New York, October 17, 1996

Mais Hank O'Neal ne s'est pas attardé aux badinages superficiels du vedettaria lors de notre entretien.  Au contraire, il m'a demandé si je m'intéressais à la musique.  Je lui ai avoué que je n'étais en rien musicienne mais que j'avais malgré tout un "faux" band depuis 2004.  Il m'a félicité chaudement pour cette initiative et m'a encouragé à continuer dans cette "voix", car selon lui, peu importe ce qu'on fait aujourd'hui, en musique ou en art, "personne n'y prêtera vraiment attention..."

Voici une anecdote assez amusante qui illustre bien son propos, peut-être cynique mais bien assumé: 

Une chanteuse (dont j'oublie le nom), qu'il produisait dans les années '70, avait signé avec son band un gros contrat dans un grand hôtel de Las Vegas.

Elle était arrivée sur place avec ses musiciens, et avait constaté qu'il y avait des travaux bruyants qui la gênaient.  Elle a donc dit au patron de l'hotel qu'elle annulait tous ses concerts, puisqu'elle refusait de travailler dans ces conditions.  Le gérant s'est fâché et lui a dit qu'il n'en était pas question et qu'elle allait bel et bien produire les spectacles puisqu'un contrat avait été signé.  Selon les dires de O'Neal, le gérant et cette chanteuse ont alors fait un accord.  Elle n'allait pas chanter, mais ses musiciens se produiraient sans elle, selon l'horaire convenu.

Les musiciens jouaient trois fois par jour.  Les deux premières représentations se déroulaient normalement. Pour ce qui était de la 3e représentation de la journée, les musiciens changeaient d'instrument aléatoiremement : le batteur jouait de la guitare, le guitariste jouait du clavier, le claviériste jouait de la batterie, etc.  sans qu'ils ne sachent jouer de ce nouvel instrument : en gros, ils ne faisaient que faire du bruit.

Et, toujours selon O'Neal, cela fonctionnait à merveille : puisque personne, et il insiste sur personne, ne portait attention à la musique.

Alors, musiciens et musiciennes qui me lisez, si vous avez un band, méfiez-vous... et surtout, soyez authentiques, et faites-vous plaisir, puisque même si un jour vous devenez célèbres et jouez dans de gros hôtels de Vegas, personne ne risque de prêter attention...



L'exposition de Hank O'Neal se poursuit à la Galerie Joyce Yahouda
jusqu'au 8 août 2015.
ATTENTION :
La galerie est ouverte
du JEUDI au SAMEDI de midi jà 17h,
et sur rendez-vous.



Benjamin mange les classiques friandises toujours disponibles
à l'entrée de la galerie et s'amuse dans le "coin des enfants" de la Galerie Joyce Yahouda


Et comme c'est souvent le cas, il a volé la vedette à l'artiste
au cours du vernissage...qui pourrait lui résister en effet ?!




Friday 26 June 2015

2005-2013


a
Alana Riley

Alana Riley


Alana Riley


Alana Riley


Alana Riley



Alana Riley


Alana Riley


Alana Riley


Alana Riley


Alana Riley


Alana Riley

Jean-Philippe Thibault


Jean-Philippe Thibault

Jean-Philippe Thibault


Alana Riley

Céline B. La Terreur

Joyce Yahouda Gallery


Joyce Yahouda Gallery


Joyce Yahouda Gallery












Saturday 20 June 2015

Ma rencontre avec l'artiste Raôul Duguay : résumé du Convent du 6 juin 2015 de l'Académie québécoise de 'Pataphysique

Ma rencontre avec le poète, musicien et artiste Raôul Duguay: 
extraits lumineux du 
Convent du 6 juin 2015 
de l'Académie québécoise de 'Pataphysique
et 
Anniversaire Céleste de Sa Luminescence, fondatrice de l'Académie



"La Paix viendra de la Beauté"


" On a toujours vingt ans quand on aime la vie,
on a toujours vingt ans quand on aime vraiment.

...deux fois vingt ans c'est encore le printemps
pour partager en plantant la beauté..."
(deux belles citations de Raôul Duguay)


Raôul Duguay et Sa Luminescence (l'écrivaine Line McMurray)


Me voilà membre de l'Académie québécoise de 'Pataphysique depuis l'automne 2012 et souvent, lors des convents, j'entends parler des activités de 'pataphysicien de Raôul Duguay, sans jamais le voir invité à l'Académie.  J'en glisse un mot à Sa Luminescence, lumière glorieuse de cette société savante (et secrète!) et voilà : magie ! Raôul Duguay arrive en chair et en os, samedi le 6 juin dernier, afin de nous présenter son oeuvre.  Dire que j'étais ravie n'est pas suffisant... Moi, Céline B. de la Sainte Terreur, j'étais aux anges !

Petite, mon père mettait souvent l'album Le chanteur de pomme... je riais et tournais, tournais, tournais... sur cette chanson qui me faisait rire.  Je regardais longuement la pochette, où on voit cet homme aux yeux brillants nous fixer d'un regard heureux rempli de gentillesse, couché sur un tapis de pommes brillantes.


Le vinyl vintage de mon père que Raôul a bien voulu me signer


En tant que 'Pataphysicienne, j'étais curieuse d'entendre cet artiste nous parler de son oeuvre, qui s'exprime autant par la peinture et la poésie que par la musique.  Je parle ici en mon nom, mais j'oserai dire qu'à mon avis, tous les membres qui étaient présents lors de cette rencontre mystique, dans l'élégant appartement du Chevalier de Plomb, ont été fasciné par la sagesse et la beauté de cet homme passionné.

Voici mon résumé de sa présentation du 6 juin dernier.

En 2015, Duguay a 77 ans.  " L'âge de la synthèse", dit-il.  Il commence en nous expliquant comment il en est venu, suite à ses études et son cheminement personnel, à devenir poète, chanteur et artiste.  Il accorde de l'importance au fait d'être un homme public, car "tu peux faire de beaux vers mais si seulement dix personnes les comprend tu te tires dans le pied".  Malgré son succès en chanson, il a toujours refusé d'entrer dans le "star system".

Il s'est toujours intéressé à la philosophie et à la pensée politique...mais selon lui, rares sont les poètes engagés.  Il affirme que les questions les plus importantes ne sont pas posées par les philosophes, mais bien par les poètes.

Il combine à la fois les approches poétiques, scientifiques et philosophiques dans son oeuvre.  La cosmologie, la physique quantique, toute la question de l'unité de l'univers l'intéresse.   Il aborde la question de l'infini en rapport à la finitude de l'être humain..."Qu'est-ce qui est venu avant ? L'esprit, ou la matière ?"

Au fil du temps, après avoir exploré le domaine du religieux, il met de côté l'idée de Dieu, considérant que les religions ont fait couler trop de sang.  Il en a par contre retenu un principe : "Aimez-vous les uns les autres".

Il refuse de croire que la vérité puisse être statique.  Il croit plutôt à l'unité dans la diversité.  En ce sens, il a scruté la pensée taoïste et le Yi Qing, avec des concepts tels que l'Unité et la Totalité (tout est dans tout), qu'est-ce que le vide ? Pour retourner à la physique quantique et à la notion du vide quantique.

Il constate que lorsque la science ne répond plus, c'est l'instant où la poésie prend sa place.

Il dit : " Dans un mot, j'entends toujours de la musique."

Il dit encore : "Une chose à la fois - parmi des milliards - mais une chose à la fois, à la place qui lui convient.  Je ressens ainsi l'unité de toute chose".

Il préfère le concept de complémentarité à celui de l'opposition, il tente d'éviter les dogmes... Il se considère comme un éternel chercheur...et un éternel "trouveur", un étudiant, éternel...

Il habite dans un charmant village du Québec... à St-Armand.  Il aime peindre des arbres, mais aussi, il affirme peindre l'invisible.  "L'invisible et le structurant du visible, puisqu'il y a bien plus de choses qu'on ne voit pas que de choses que l'on voit".

Car selon lui, la poésie, c'est une vision.




Duguay explique son travail plastique en cours aux membres de l'Académie


"Esthétique


L'art est non seulement
le reflet de ce monde
mais aussi l'écho de son âme.
Un monde sans âme, sans coeur,
inconscient de l'importance vitale
de l'esthétique et de son environnement
est un monde sans éthique
vidé de son humanité"
- Raôul Duguay


Un ami, un confident, un homme rempli d'amour...l'artiste Yvon Cozic, 
qui m'a invité à me joindre à l'Académie en 2012


Le 6 juin...une date qui marque l'arrivée joyeuse de Sa Rayonnante Luminescence dans l'Univers,
l'écrivaine Line McMurray, fondatrice de l'Académie québécoise de 'Pataphysique


Avec Raôul Duguay et Sa Luminescence





Le poète, chanteur et artiste Raôul Duguay



Notez que si vous voulez voir cet homme extraordinaire en personne, vous en aurez la chance lors des prochaines célébrations de la Saint-Jean, puisqu'il fera le discours nationaliste lors de la clôture du défilé.  

Tuesday 16 June 2015

Lumière


"Le courage n'est pas l'absence de la peur, c'est l'action malgré la peur,
la réaction contre la résistance qu'engendre la peur, vers l'inconnu et le futur. 
À un certain niveau, l'évolution spirituelle - et donc l'amour-
demande du courage et implique un risque."

- S. Peck, Le chemin le moins fréquenté

Monday 15 June 2015

Céline B. La Terreur à Prague - Millenium Gallery



CÉLINE B. lA TERREUR

GLAMOR MINIMAL ART : 
Mondrian
Faux-ongles, acrylique et polymer sur bois
12''x12'' 
2006

Si vous êtes à Prague, 
du 16 au 30 juin 2015, 
passez par la 

Galerie Millenium
où vous pourrez voir mon Mondrian en faux-ongles dans toute sa splendeur,

dans le cadre de l'exposition collective
Across the Continents -FUSIONISM

du commissaire Shalom Neuman

Merci à la Galerie Joyce Yahouda

Monday 1 June 2015

ORPHELINS DE DUPLESSIS : IMPORTANT - À LIRE

Ayant reçu à 23h hier une alerte du CODVA, le Comité des Orphelins de Duplessis Victimes d'Abus, je fais circuler ci-bas l'information.

J'en profite pour redire que depuis 2012, je soutiens avec conviction les efforts et revendications des Orphelines et Orphelins de Duplessis dans leur combat pour la Justice et la Reconnaissance.

Je réitère que :

  • Les dirigeants de l'Église catholique, du gouvernement provincial et du gouvernement fédéral doivent formuler des excuses publiques dignes de ce nom à toutes les victimes de cette tragédie scandaleuse qu'est l'histoire des Orphelins et Orphelines de Duplessis
  • L'Église catholique, prônant soi-disant des valeurs de partage, de don de soi et d'amour du prochain, a l'obligation de verser une compensation financière substantielle d'au moins 1 million de dollars par victime, comme réparation aux tortures, humiliations et abus de toutes sortes qui ont été infligés sur cette population vulnérable constituée d'enfants et d'adolescents, et ce, sous la supervision et avec la complicité des nombreux membres du clergé faisant figure d'autorité à l'époque
  • L'histoire des Orphelins et Orphelines de Duplessis doit être inscrite dans les manuels scolaires et enseignée à l'école, afin que cet épisode honteux de notre histoire ne sombre dans l'oubli et évite ainsi de se reproduire 
  • Le drame des Orphelines et Orphelins de Duplessis doit être figé et inscrit de façon permanente dans notre histoire par le biais d'oeuvres d'art intégrées dans les espaces verts les plus prestigieux des grandes villes où ces atrocités ont eu lieu, laissant ainsi, à la vue de tous, et aux générations futures un témoignage important de la Grande Noirceur
  • Toute autre action, tout autre geste de réparation réclâmé par le CODVA et les Orphelines et Orphelins de Duplessis doivent être considérés avec sérieux et encouragés par tous les moyens
Aux Orphelins et Orphelines de Duplessis, vous avez mon appui sincère et total, et j'invite tous ceux qui me lisent à faire de même.




Communiqué pour diffusion immédiate 
Alerte info du CODVA
1er juin 2015


Les Orphelins et Orphelines de Duplessis voient des progrès dans les longs combats que mènent bien des victimes de crimes.


Le CODVA se réjouit du succès de la Commission vérité et réconciliation qui étudiait les souffrances infligées dans les pensionnats autochtones.  

Mais, au Québec, les choses n'avancent pas, au contraire. Les nouveaux développements dans le dossier des demandes d'accès à l'information sont tristes, presque épouvantables ! 

Le Procureur Général du Québec demande une troisième autorisation d'appel pour interdire notre accès légitime aux documents gouvernementaux sur  les Orphelins et Orphelines de Duplessis.

Le 9 juin 2015, vaillamment, seul, le CODVA se  rendra en audience pour faire un bout de chemin vers la VÉRITÉ.

La route semble bien longue et semée d'embûches. Convaincu d'être dans son bon droit, combattant pour Convaincu d'être dans son bon droit, combattant pour les plus grands bien chevillés au corps.

L'espoir comme la plus grande force des hommes justes. 

COMITE DES ORPHELINS DE DUPLESSIS VICTIMES D’ABUS
1710 Rue Beaudry 
Montréal, Québec 
H2K 3C9 
514-927-8400 

Personne ressource :
Jonathan HEINRICH
heinrichjonathan@gmail.com 










Entretiens avec l'artiste Laurent Mulot



Friends in the Mirror(Céline B. La Terreur et Laurent Mulot devant les dindes fumées de chez Schwartz's)
Photographie de Laurent Mulot




Ci-dessous : quelques images de l'exposition Middle of Nowhere de l'artiste Français Laurent Mulot
Programme d'échange avec la Galerie Françoise Besson de Lyon
(Avec la permission de l'artiste)






Grâce à Joyce Yahouda et au commissaire Nicolas Mavrikakis, j'ai eu la chance de faire partie de la sélection d'artistes pour le projet "Faire de sa vie une oeuvre d'art", à l'hiver 2015, à la Galerie Françoise Besson de Lyon. Ce projet initiait le début d'échanges entre la Galerie Joyce Yahouda et la Galerie Françoise Besson.  C'est au tour de Joyce Yahouda d'accueillir l'oeuvre d'un artiste Français au travail humain et sensible, Laurent Mulot.

Je ne ferai pas ici un résumé des idées véhiculées par le travail de Laurent.  Mieux vaut aller voir l'exposition en personne afin d'en tirer ses propres impressions et conclusions.

Par contre, j'ai eu la chance de m'entretenir avec lui samedi dernier et je partage ici ses réponses, avec son accord, bien entendu.

Céline : "...parce que, la dernière fois qu'on s'était parlé, tu m'avais expliqué que tu travaillais beaucoup sur la relation entre les êtres humains, et ta conclusion était vraiment merveilleuse.  C'est-à-dire que suite à tout ce travail que tu as entrepris sur les relations entre les être humains, tu en étais venu à conclure que nous, les humains, dans nos contacts avec les autres, sommes à la recherche de la poésie.

Laurent : Tout à fait.  Je te disais ça parce que, souvent on m'interroge sur ces gens, avec lesquels j'ai travaillé, notamment, les gardiens des centres d'art contemporain "fantômes" - qui sont des gens qui sont en dehors du champ de l'art, ils ne sont pas du tout au courant, ni même intéressés par l'art actuel... On m'interroge souvent sur la manière dont j'arrive à les faire entrer dans le projet : comment est-ce possible, que ces gens qui n'ont aucun lien avec l'art, entrent dans ce type de démarche en lien avec l'art conceptuel et l'art relationnel ? 

Ce que j'ai pu constater, à chaque fois, tout au long de mon travail, c'est que les gens souhaitent entrer dans une démarche poétique.  C'est quelque chose qui les motive très vite parce qu'ils reconnaissent très vite de quoi il s'agit.  Ils sont souvent fatigués par leur quotidien, voire même, pour certains, inintéressés par ce qu'ils font, et ils sentent bien que la vie est une occasion de faire autre chose.  Que la vie est une occasion de s'ouvrir à autre chose.  Et c'est dans cette ouverture-là et ce geste dans lequel ils m'accompagnent - et quelque fois, dans ce travail, qui, de leur point de vue, pourrait être considéré comme inutile, justement - c'est là qu'ils arrivent à dégager quelque chose d'essentiel pour eux.

Une des dimensions de l'art est cette dimension de rencontre.  

On peut considérer l'art comme un "supplément" au quotidien, un questionnement face aux stéréotypes, car toutes les sociétés sont habituées à fonctionner selon des stéréotypes. Nous sommes guidés par un certain nombre de normes, de contraintes, pour pouvoir vivre ensemble.  Les gens avec qui je travaille sont donc très friands de se dégager de tout ça, pour produire quelque chose qui n'a rien à voir avec leurs pratiques habituelles mais qui est complètement ancré dans leur relation au territoire ou leur relation avec les autres. Tous, ont sur leur territoire, une attache très forte. Même - c'est d'ailleurs assez étonnant - sur des territoires qui sont assez difficiles à vivre - très, très difficiles, même, quasiment, invivables.  Comment s'attacher à l'Antartique ? Il n'y a que les manchots qui peuvent vivre en Antartique, nous ne sommes pas faits pour vivre là-bas... Pourtant, les gens y ont pris racine.  C'est vraiment un mystère...comment on arrive à prendre racine, n'importe où...  C'est pour cette raison que je n'ai aucun souci pour Mars ! On y arrivera ! 

Céline : Dis-moi, pouquoi est-ce que tu t'attaches à ce métier, je veux dire, faire de l'art, qui est somme toute, un choix plutôt difficile ?

Laurent : C'est difficile, mais, la question est plutôt : à quoi tu t'occuppes ? Donc la question que je me pose est : à quoi j'occuppe mon quotidien, à quoi j'occuppe mon existence ? Qu'est-ce que je fais, ici ? La réponse, la direction, l'orientation, en quelque sorte, m'est apparue évidente au contact des oeuvres d'art et des artistes.  Quand j'étais enfant puis adolescent, j'ai rencontré des artistes et des oeuvres et je me suis dit : ces gens-là vivent ça, et vivent de ça, même.  J'ai trouvé que c'était une occupation essentielle, c'est-à-dire, qui avait un sens. C'était une possibilité de trouver du sens.  S'intéresser à l'invisible. Essayer de rendre visible des choses invisibles. S'intéresser au mystère.  S'attarder à la lumière, à l'absence, à la présence.  Essayer de mettre, de visualiser - puisque c'est de l'art visuel - des éléments qui sont évanescents, qui sont de l'ordre de la disparition.  Tout ça m'a passionné chez les artistes. 

Surtout, je voyais que les artistes avaient la possibilité de remettre en question, en permanence, les représentations.  Je veux dire : on me dit que les choses se présentent "comme ça"... Eh bien moi, de ma petite personne, pourquoi ne pourrais-je pas les voir différemment ? Les décaler légèrement, changer de point de vue...voir autrement. Pour partager ça avec les autres.  Voir la vie autrement que de la manière dont elle nous est assénée, par les médias, par la consommation, par ces choses avec lesquelles on passe, souvent, le plus gros de son existence. Comme aller au supermarché, faire des tas de conneries, qui sont, utiles en quelque sorte, mais bon, on passe notre temps à faire bien des choses complètement inutiles... On occuppe sa vie, malheureusement, très facilement, je crois, à faire n'importe quoi.

Donc l'art c'est une possibilité de s'occupper... je ne dirais pas intelligemment, mais...poétiquement.

Céline : Que veux-tu dire par poésie, exactement ?

Laurent : La poésie...  C'est ce choix de dire que la terre est orange et non pas bleue...la capacité de jouer avec la langue et sa philologie, le sens... La capacité à créer des mondes. Ça peut passer par l'écriture, ça peut passer par l'image... La poésie est d'apprendre quelque chose sur ce qui se présente à nous. Une image doit révéler autre chose que ce qu'on a l'habitude de voir.  C'est ce qui m'intéresse.  Une image (ou un geste) qui creuse quelque chose, qui creuse la pensée, toujours...qui va plus loin, qui va...au-delà.

*******

Il me dit encore, dans un courriel : " ...l’art et la vie sont intimement liés, et tu as sans doute l’occasion de les faire se joindre plus étroitement malgré les difficultés, obstacles… La vie n’est pas la vie que l’on nous vend, elle est ailleurs, elle est à découvrir comme un territoire inconnu. «  L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art » disait Filliou, le carburant c’est l’authenticité, ne jamais l’oublier! "

Merci Laurent, et à bientôt !



Avec Joyce et Laurent à la galerie (avec mon formidable tatouage temporaire de la Reine des Neiges)



L'exposition de Laurent Mulot est toujours en cours à la Galerie Joyce Yahouda, jusqu'au 20 juin 2015.
joyceyahoudagallery.com