Tuesday, 29 November 2011

Pouvoir = Amour

Je crois que le seul pouvoir véritable reste l'amour.

Mais comment en prendre conscience et utiliser cette force à plein potentiel ?

Comment vivre sans perdre de vue l'amour ?

Félicitations à Aliaa Magda Elmahdy

Suite à la lecture de cet article j'ai contacté mademoiselle Elmahdy via Twitter afin de la féliciter pour son engagement.


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Recopié de Cyberpresse pour référence future


La révolutionnaire nue


Publié le 26 novembre 2011 à 09h06 | Mis à jour le 26 novembre 2011 à 09h24


Rima Elkouri, envoyée spéciale
La Presse



(Le Caire) Alors que la tension est toujours vive en Égypte à la veille des premières élections législatives depuis la chute d'Hosni Moubarak, partisans du progressisme et de l'islamisme se livrent bataille. Symbole controversé de ce combat: la blogueuse Aliaa Elmahdy, qui s'est dénudée pour faire un pied de nez aux islamistes. Notre chroniqueuse l'a interviewée.



«Laïque, libérale, féministe, végétarienne, individualiste, Égyptienne.»
C'est ainsi qu'Aliaa Elmahdy se décrit. Aliaa a 20 ans, un visage de poupée. Sa voix est celle d'une enfant timide. Mais ses idées ne le sont pas, dans une société conservatrice en pleine ébullition politique dont elle cherche à repousser les limites.
Il y a un mois, cette étudiante en communication au Caire a mis en ligne sur son blogue une photo artistique en noir et blanc où on la voit nue. Une façon pour elle d'affirmer sa liberté dans une société où les femmes, observe-t-elle, ne sont que des objets sexuels, harcelées quotidiennement. «On n'a pas à avoir honte d'être une femme», dit-elle. «Je crois que les mentalités doivent changer.»
Son geste audacieux a provoqué une onde de choc dans un pays conservateur et religieux où la majorité des femmes portent le voile. La photo de la jeune femme, vue par plus d'un million d'internautes, a suscité l'ire des islamistes. On a accusé Aliaa de violer la morale, d'inciter à l'indécence et d'insulter l'islam. Elle a reçu des menaces de mort. Elle a été harcelée sexuellement par des radicaux sur la place Tahrir. Depuis, elle vit dans la clandestinité.
«Liberté sociale» réclamée
Le geste d'Aliaa n'a pas déplu qu'aux islamistes. Il a aussi été réprouvé par des révolutionnaires de Tahrir qui craignent que les ultraconservateurs récupèrent cette histoire pour les discréditer. Le Mouvement du 6 avril, regroupant des militants qui ont joué un rôle-clé dans le soulèvement de Tahrir, a tenu à se dissocier publiquement d'Aliaa. Et si plusieurs jeunes Égyptiens ont salué le courage de la blogueuse, nombre de militants progressistes ont dit craindre que le débat provoqué par sa photo n'éclipse des enjeux plus importants.
Que leur répond Aliaa? «Je leur réponds que l'enjeu le plus important, c'est d'être libre. On ne peut avoir de liberté politique si on n'a pas de liberté sociale.»
Pour la chroniqueuse américano-égyptienne Mona Eltahawy, qui était de retour place Tahrir hier après avoir été agressée par les forces de l'ordre la veille, le geste d'Aliaa en est un brillant. «Elle est le cocktail Molotov lancé aux Moubarak dans nos têtes - les dictateurs de nos esprits», a-t-elle écrit dans le Guardian, la semaine dernière.
Quand une femme «n'est que la somme totale de son voile et de son hymen - c'est-à-dire ce qu'il y a sur sa tête et ce qui se trouve entre ses jambes», la nudité devient une arme de résistance politique.
Unis dans la dissidence
L'amoureux d'Aliaa s'appelle Kareem Amer, jeune blogueur dissident bien connu dans l'Égypte de Tahrir. Il vit avec elle dans la clandestinité. Un air de déjà-vu pour lui: il a passé quatre ans en prison pour «insulte contre le président Moubarak et l'islam». «J'ai été libéré il y a un an», me dit-il.
Kareem voit le geste d'Aliaa avant tout comme un geste politique, qui envoie un message clair aux islamistes. Voyez ce que font les salafistes avec leurs femmes candidates aux élections, me dit-il, indigné. «Elles ne peuvent même pas être prises en photo!» Elles n'ont pas de visage. Sur les publicités électorales, on a remplacé leur photo par une fleur ou par la photo de leur mari. On leur interdit de parler aux hommes durant leur campagne électorale. On les veut invisibles et muettes.
Minoritaires en Égypte, les salafistes sont des islamistes ultraradicaux, à côté desquels les Frères musulmans semblent modérés. Ils sont peu nombreux, mais font beaucoup de bruit.
Kareem craint que les islamistes triomphent aux élections législatives qui doivent commencer lundi. «Mais je ne crois pas qu'ils représentent tout le peuple égyptien.»
Le scénario islamiste fait craindre des reculs pour les Égyptiennes. «Quand les conservateurs prennent le pouvoir dans une société, ils ne parlent ni de politique ni d'économie. Ils parlent de l'honneur des femmes», a dit, en entrevue au journal égyptien Bikya Misr, Hibaaq Osman, de l'organisme El Karama, qui défend les droits des femmes dans le monde arabe.
Les deux jeunes blogueurs unis dans leur dissidence ont-ils de l'espoir? «Oui, c'est tout ce que nous avons», dit Kareem. «Nous espérons que les gens vont rester à Tahrir et faire une autre révolution. Nous espérons que le conseil militaire cède le pouvoir aux civils. Nous voulons d'une nouvelle Égypte qui ne soit pas dirigée par des leaders religieux. Nous voulons un pays laïque.»

Pour l'abolition du proxénétisme

Je suis tombée sur le site de la féministe Marie-Victoire Louis, chercheure au CNRS, car je recherchais une entrevue de Beauvoir où elle parlait de son point de vue sur la prostitution.    J'ai lu son article prônant l'abolition du proxénétisme avec beaucoup d'intérêt et même de soulagement : au Québec, et dans le domaine artistique  il est très mal vu de s'opposer à la prostitution.  Être abolitionniste est presque impensable.  

Au Canada, justement, la chartre des droits et libertés et aussi la mode du "politiquement correct" sont très présents et prônent - en théorie - un respect et une tolérance à tous les métiers, toutes les positions politiques, bref : la prostitution est banalisée par les médias et il y a des organismes à Montréal qui défendent de pied ferme les droits des prostituées pour l'amélioration de leurs conditions de vie, leur sécurité, etc.  Dire qu'on est contre le proxénétisme entraîne des reproches moralisateurs où on se fait traiter de conservateur (et ici le parti conservateur est contre l'avortement, alors on peut imaginer...)

Par contre j'ai toujours trouvé qu'il était désolant de ne pas décourager et de tenter d'abolir  cette pratique - je dois désormais dire, ce mode de domination, qu'est le proxénétisme en son ensemble.  Surtout dans un pays où les femmes sont encouragées à faire usage de leur potentiel intellectuel et où l'éducation est gratuite ! C'est navrant pour moi : le gaspillage de tout ce potentiel que ces femmes pourraient offrir au mondre autrement.

Je peux désormais expliquer clairement et simplement ma position, qui rejoint celle de Madame Louis en tous points.   C'est un sujet complexe que je n'arrivais pas à exprimer de façon cohérente. Je lui ai dit merci personnellement.

Dans ce texte, j'ai d'ailleurs relevé également sa définition du terme "théorie" - très juste, qui rejoint la manière américaine de percevoir ce terme à mes yeux - et aussi, dans son plan d'action, la première partie indiquant qu'il faut croire que nous avons tous le pouvoir de changer le monde.  

Je cite ici un extrait d'un texte très important de Madame Louis qu'on peut lire en son entier sur le site de l'auteur à http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=744&themeid=336



Marie-Victoire Louis

Abolir la prostitution ? Non : 
Abolir le proxénétisme

10/10/2006


La conclusion de ces constats est que c’est bien le proxénétisme qui - si l’on veut effectivement lutter pour la fin de ce système de domination - doit être aboli.
Sans pensée de refonte radicale de l’ensemble de ce système, pénaliser les clients/prostitueurs - principe non encore reconnu par certain-es abolitionnistes… - n’est pas nécessairement le moyen d’y parvenir et peut même participer à l’aménagement du système proxénète et donc contribuer au plan international à le perpétuer.  
Je considère que ce qui doit donc être aboli, c’est le rapport de domination - le proxénétisme - qui légitime la possibilité même d’un échange sexuel marchand. Tant que le proxénétisme - à savoir le système de domination qui légitime, légalise, organise, politiquement, économiquement, symboliquement, culturellement, doctrinalement l’échange sexuel marchand de personnes, ne sera pas aboli, la« prostitution », le « système prostitutionnel » se perpétuera. Il ne s’agit donc pas simplement d’abolir le principe de la relation binaire - fondée elle aussi sur une domination - entre la personne prostituée et le client/prostitueur, mais le système de domination et de profit qui organise l’échange d’êtres humains au profit d’autres êtres humains.  
Employer le terme, le concept de « proxénétisme » - et, bien entendu, en poser l’interdit absolu - c’est signifier qu’il s’agit d’un système qui, quel qu’en soient les modalités, n’est plus de l’ordre du possible, n’est plus légitime, ne fait donc plus partie des « valeurs »  qui fondent une société, un État. Dès lors, sa condamnation ne doit plus relever des codes pénaux nationaux - lesquels doivent être néanmoins radicalement repris - mais des principes intangibles qui fondent un nouvel ordre international. Et pour ce faire, il faut en arriver à cette évidence qu’il sera, un jour, considéré plus difficile, plus inacceptable de perpétuer le proxénétisme que de l’abolir.   
La spécificité et donc l’autonomie conceptuelle de ce système de domination doit alors être à tout prix conservée. Ce n’est en effet que sur la base de la reconnaissance de sa spécificité, qu’il est possible de l’articuler politiquement, historiquement, éthiquement avec tous les autres systèmes de domination : le servage, le féodalisme, l’esclavagisme, le colonialisme, le racisme, le capitalisme…. 
Dans la mesure où le proxénétisme a coexisté avec tous les systèmes de domination - sans être réductible à aucun d’entre eux - il leur a historiquement emprunté nombre de leurs modalités d’expression : ne pouvant être défini, qualifié et donc combattu par aucun de leurs concepts, il importe d’opérer une clarification et d’être conscient-es que tout emploi de termes - et donc d’analyses - qui ne relèvent pas de l’analyse propre au système proxénète participe de ce brouillage conceptuel.
a) Il peut s’agir de ceux qui se réfèrent à d’autres système de domination, tels que :
L’esclavage : « esclavagisme » ; «esclavage » «sexuel , « domestique » « moderne »…
-  
Le servage : « servitude », « servage »…
-
 Le capitalisme, en lien avec le concept d’ « exploitation », ceux de « travail » : «servile », « forcé », « libre », « indépendant », « salarié »« illégal » 
b) Il peut s’agir des termes/concepts qui s’inscrivent dans le cadre conceptuel abolitionniste ancien - celui de la convention de 1949 - remis ou non au goût du jour - tels que : 
 « prostitution » ; 
« exploitation » «de  la prostitution », « d’autrui » , « forcée » ou non ;  « exploitation » de la« prostitution », des « prostituées », du « sexe », « sexuelle », mais aussi « commerciale », « marchande » ;  « exploitation et   traite des femmes »… 
« traite des êtres humains » et /ou de la « traite aux fins d’exploitation, sexuelle » - ou non»…
c) Il peut s’agir de ceux qui se sont nouvellement greffés sur les limites et les ambiguïtés conceptuelles de l’abolitionnisme ancien et sont devenus les concepts du libéralisme actuel : « offre », « demande », « commerce », « trafic », « pays de destination », « violence », «  services sexuels » - et, bien sûr, là encore, de « traite » et/ou de « trafic » , « contrainte », « forcée » ou non , « légale » ou « illégale », et même  « libre » des « femmes » et /ou des « êtres humains », « internationale », « européenne », « intérieure », « étrangère » et/ou « locale », « interne ». Et enfin : « travailleuse sexuelle » dont l’emploi récurrent relève de plus en plus chez certain-es de la méthode Coué que de la réflexion sur la signification politique mais surtout éthique de l’emploi de ce terme. Ce qui est cependant évident, c’est que son simple emploi implique une renonciation au combat politique, féministe de lutte contre le principe même du proxénétisme.    
d) Il importe enfin d’être conscient-e que tout emploi  de termes tels que : « abus » , «inégalité » , « exclusion » - j’ai même lu : «discriminations liées au genre » - sans oublier :  le « tourisme sexuel » et les « coutumes » pour qualifier peu ou prou le système proxénète interdit toute approche rigoureuse de sa réalité et de sa spécificité.  
Je considère donc qu’avec l’emploi de tels termes, l’élaboration d’une théorie abolitionniste, sans laquelle il ne peut y avoir de lutte abolitionniste, n’est pas pensable.Je considère beaucoup plus simplement que les termes de personnes prostituées, de clients/prostitueurs et de proxénétisme aujourd’hui se suffisent à eux-mêmes.   
Si l’on me suit et sur mes principes et sur ce raisonnement - dont certains chaînons manquent encore - l’enjeu politique est donc de substituer le projet d’ « abolition du proxénétisme » à celui d’« abolition de la prostitution ».  Mais ceci posé ne suffit pas : encore faut-il croire à l’évidence du succès de cette lutte comme à son importance pour notre monde : Traiter du statut du proxénétisme, c’est traiter du statut du corps, c’est traiter du statut de l’être humain, c’est traiter du statut de l’individu.
Il faut aussi être intimement convaincu-e que le proxénétisme est un système - criminel21 - de domination sur les êtres, fondé sur le droit, la force, la ruse et le mensonge, qui, depuis des siècles, enferme, isole, exclue du droit, massacre, détruit, chosifie, torture, enferme, sacrifie, violente des millions de personnes de tous âges, femmes dans leur immense majorité.
Légitimer et tirer un profit d’un système qui permet à quiconque de payer une femme - un être humain - pour la baiser et/ou être baisée par elle, c’est croire que l’usage d’une personne relève d’un droit.  
Légitimer et tirer un profit d’un système qui permet à quiconque de payer une femme - un être humain - pour la baiser et/ou être baisée par elle, c’est ravaler une personne au statut de fonction, d’organe, de fragment, d’utilité, d’instrument, et sur ces bases, la rémunérer…dans la meilleure des hypothèses. 
Légitimer et tirer profit d’un système qui permet à quiconque de payer une femme - un être humain - pour la baiser et /ou être baisée par elle, c’est institutionnaliser l’avilissement de l’être humain. De tous les êtres humains. 
« Ce qui se paie n’a guère de valeur ; voilà la croyance que je cracherai au visage des esprits mercantiles » écrivait Nietzsche au début des années 1880. 22 Il écrivait aussi à la même date - et j’utilise en toute conscience cet aphorisme hors de son contexte -  « Celui qui a au plus haut degré la force de ravaler autrui à lui servir de fonction, celui-là règne ». 23
Je pense, en revanche, que le terme d’« abolition » [du proxénétisme] doit, lui, être maintenu. 24 Certes, parce qu’il s’inscrit dans la filiation de l’histoire de l’abolitionnisme de « l’exploitation de la prostitution ».Certes, parce qu’il permet de procéder à des analogies, des filiations, des comparaisons, des différences avec l’abolition de l’esclavage, des privilèges féodaux, de la peine de mort25, de l’apartheid… 
Mais surtout et avant tout parce qu’il est le seul terme qui marque qu’il s’agit d’une rupture radicale d’un système qui est posé solennellement comme, n’étant plus, du jour au lendemain, légitime.
Seul le terme d’ « abolition » pose d’emblée l’importance politique et symbolique de la rupture, à savoir que le principe même d’une domination sexuelle marchande ne fait plus partie des fondements, des valeurs d’une société.
Il ne s’agit donc plus alors de « cessation », de « suppression », d’ « abandon », d’ « extinction »progressives et/ou limitatives de « la prostitution». Il ne s’agit même plus de« punition », d’ « interdiction », de « répression », de « pénalisation », de « poursuites » ponctuelles des proxénètes et des clients/prostitueurs. Il s’agit encore moins de revendiquer l’ « émancipation », l’ « affranchissement », encore moins la « réinsertion », la « réhabilitation », ni même de« libération » des personnes prostituées.
Il ne s’agit même pas de déclarer, concernant le proxénétisme - à l’instar de l’article 4 de la déclaration dite universelle des droits de l’homme : « Nul ne sera tenu en proxénétisme […] ; le proxénétisme et la traite des personnes prostituées sont interdits sous toutes ses formes «  - mais d’affirmer beaucoup plus clairement : « Le proxénétisme est aboli ».Et de s’en donner les moyens.
À cet égard, l’analyse des échecs, faux-semblants, contradictions nationales, impuissances, hypocrisies, des limites mais aussi des initiatives, avancées, étapes et ruptures des politiques de lutte contre la « Traite des Noirs » est un nécessaire adjuvant. 26
Si la question de l’esclavage soulevait la question de la propriété, celle du proxénétisme, plus profondément, soulève celle de la valeur des - et entre - les êtres humains.     
« Abolir le proxénétisme », c’est augurer un nouveau monde dans lequel les relations entre les êtres humains, les relations sexuelles, l’amour, l’amitié et donc les valeurs qui forment notre intellect, notre volonté, notre identité, nos sentiments, notre culture, notre rapport au monde seraient libérées de toute possibilité - de toute pensée ? - d’ échange marchand. 
Le début de la fin du règne de la marchandise ?  
La question que nous devons nous poser est de savoir comment parvenir à l’abolition du proxénétisme.
Quelques repères….
1) D’abord et avant tout croire au succès de son engagement et de l’aboutissement de cette lutte. Si chacun-e d’entre nous ne prenons pas conscience qu’il /elle a un poids politique, ne croit pas en son pouvoir, à sa capacité à changer le monde, et encore plus à un pouvoir collectif, alors les abolitionnistes ne gagneront pas.27
Et, pour ce faire, il faut croire que la pensée est action et que l’action suppose la pensée ; avoir foi en soi ; avoir un idéal et non pas un désir mais une volonté de le réaliser.  
2) Continuer à donner la parole aux personnes prostituées et à battre en brèche leur silence, meilleur garant de la défense des intérêts du proxénétisme, tout en étant sa plus grave condamnation, puisqu’il signifie que ses victimes ne peuvent même plus le dénoncer. 28 
Il importe de rappeler que toutes les pensées et les actions abolitionnistes doivent être jugées, jaugées à l’aune de la vie des personnes prostituées.
Continuer à dévoiler, à dénoncer, à faire connaître les contraintes, les violences qui sont le quotidien des personnes prostituées en les resituant dans leur contexte de peur, d’impuissance, d’absence de droit inhérentes au système proxénète, ainsi que toutes les formes de résistances individuelles, elles aussi inhérentes au dit système : fuites, refus, mutilations, suicides, assassinats, résistances qui peuvent être aussi plus collectives : dépôts de plaintes, dénonciations, occupation d’ambassades, etc…
Continuer à dénoncer le quasi-monopole public de leur parole depuis quelques années par des personnes et associations qui légitiment le bien fondé du système proxénète et dont la culture de violence et de mépris marque si fortement et si souvent leurs pensées et leurs actions.
3) Dévoiler, dénoncer - comme cela a été fait concernant les maffias, les circuits de l’argent sale, etc. - la localisation des intérêts proxénètes, les modalités de leur investissement, leurs collusions avec les ventes d’armes, de drogue, les États, partout où ils se manifestent et s’investissent. Qu’il s’agisse de la pornographie, l’industrie, le commerce, le tourisme, la publicité, la presse, la « culture »…..  
La question de la responsabilité du personnel politique agissant au sein de l’État doit donc être posée, ainsi que celle des moyens par lesquels il est parvenu à ses fins. 29
4) Dévoiler, dénoncer, le fonctionnement de la justice en la matière. 
- Comparer les plaintes déposées par les personnes prostituées, la manière dont elles sont traitées, avec celles déposées par d’autres femmes victimes de violences, mais aussi avec la manière dont les hommes violents, les clients/prostitueurs/les proxénètes sont traités. 
- Répertorier les acquittements, non-lieux, classements d’office, absence d’enquêtes et/ ou enquêtes de partis/pris.   
- Relever les propos, comportements, agissements des magistrat-es, avocat-es, procureurs-es, expert-es etc… cautionnant le bien-fondé du proxénétisme et perpétuant les préjugés, les partis pris à l’encontre des personnes prostituées. Montrer la fréquence, la récurrence de l’impunité de nombre de crimes des proxénètes, des « clients », des policiers, etc.…
- Procéder à des instructions parallèles….
5) Élaborer un arsenal sans cesse renouvelé d’arguments abolitionnistes et les diffuser largement. Lancer des campagnes de boycott et des pétitions 30 sans ambiguïté politique,  c’est-à-dire sur des fondements clairs concernant le proxénétisme, accompagnées des projets précis.  
6) Interpeller toutes les instances concernées, à tous les niveaux de la hiérarchie : les Eglises, l’État, la presse, les partis, les syndicats, les associations….
7) Continuer à critiquer les écrits, les organes, les associations, les personnalités qui légitiment le système proxénète, en prenant bien garde de ne pas être sur leur terrain de pensée : les abolitionnistes doivent privilégier des arguments à la mesure de ses ambitions. Il me paraît beaucoup plus clair aujourd’hui que les abolitionnistes ne peuvent simplement focaliser leurs critiques sur les arguments des associations qui défendent le système proxénète. 
Il est même pour moi devenu de la plus haute importance de reconnaître que ce qui doit lier les féministes abolitionnistes ne saurait plus avant se prolonger dans une supposée commune opposition aux personnes, groupes, associations qui en défendent le bien-fondé. 
Cette logique d’action et de pensée - que ce texte conteste à sa mesure - entrave d’ores et déjà la réflexion sur des sujets  fondamentaux, plus complexes, mais incontournables. La politique de la recherche du plus petit dénominateur commun - laquelle, très vite [et c’est déjà le cas] exclue ceux et celles qui sont considérées comme affaiblissant la constitution de ce front politique - ne saurait être considérée comme politiquement et intellectuellement défendable.  

Source : site internet de Marie-Victoire Louis